Hypersensibles : que dit la science ?
Généralités ?
Selon wikipédia et Assenheim (2020) : L’hypersensibilité se définit principalement en psychologie comme « une sensibilité plus haute que la moyenne, c’est-à-dire une réactivité extrême aux stimuli, qu’ils soient internes (pensée, croyance, émotion) et/ou externes ». Le concept de « Highly Sensitive Person » (HSP), ou personne très sensible, a été introduit par la psychologue Elaine N. Aron dans les années 1990.
Pour certains auteurs, il faudrait parler de « Haute sensibilité » (traduction littérale de la version anglaise) et non d’hypersensibilité.
Voici une définition structurée de ce qu’est une HSP : Un HSP est un individu caractérisé par une sensibilité accrue du système nerveux central et une profondeur de traitement cognitive complexe des stimuli sensoriels et émotionnels.
« On peut définir l’hypersensibilité comme une sensibilité nettement plus élevée que la moyenne. Elle implique une plus grande sensibilité aux stimulations de l’environnement, comme une réactivité émotionnelle plus intense. » Ma bible de l’hypersensibilité (Leduc, 2021)
La Neuropsychologie et l’imagerie cérébrale ont permis de démontrer que le cerveau des individus hypersensibles n’est pas structurellement différent, mais que leurs circuits cérébraux fonctionnent différemment dans certaines régions du cerveau (Aron et coll., 2014).
Sur le plan sensoriel, les hypersensibles présentent ce que l’on peut appeler une hypersensorialité ; c’est-à-dire que cette sensibilité peut concerner certains sens ou tous. Cela peut également concerner la proprioception (positionnement du corps) et la nociception (douleur). Assenheim (2020) nous propose d’utiliser le terme d’hyperesthésie en spécifiant le sens concerné.
En effet, l’imagerie médicale a démontré que leur cerveau présentait des spécificités dans les régions responsables du traitement des informations sensorielles. Ensuite, concernant les émotions, l’hyperactivité du système limbique et de l’insula chez les hypersensibles leur permet d’avoir un ressenti émotionnel riche et puissant. Mais également, leur niveau général d’activité du réseau des neurones miroir est beaucoup plus élevé et fonctionne en continu. On peut donc oser le terme d’hyperempathie ; l’hypersensible est « une véritable éponge face aux émotions des autres » (Assenheim, 2020).
La sensibilité comme vulnérabilité psychologique
L’environnement peut impacter la sensibilité dans certains cas. La haute sensibilité en psychologie est un facteur de risque (environnement négatif). Elle pourrait expliquer le développement des troubles et les interactions entre certains traits et évènements stressant appliqués à la sensibilité. De la sensibilité différentielle à la diathèse-stress (Université de Montréal).
La sensibilité avantageuse (Vantage sensibility)
Michael Pluess a mis en évidence une « sensibilité avantageuse », c’est-à-dire une sensibilité qui constitue un avantage selon l’impact de l’environnement sur la personne. Si une personne HSP vit une expérience positive ou se trouve dans un environnement bienveillant (qu’elle est écoutée et valorisée par exemple), sa sensibilité sera un véritable atout à tout point de vue. En revanche, si un HSP se trouve dans un environnement défavorable, entouré de mauvaises personnes, cette personne se sentira mal et sa sensibilité sera perçue comme un « défaut ». Ainsi, la sensibilité avantageuse serait amplifiée par ce qui est bien ou mal et serait très influencée par l’environnement. Des études ont d’ailleurs montrées que l’expérience personnelle et l’enfance des HS avaient un impact sur leur façon de vivre leur haute sensibilité. Les personnes ayant eu une enfance heureuse arriveraient mieux à tirer profit de leur sensibilité élevée dans leur vie d’adulte et inversement.
En résumé, si on a une sensibilité élevée on va pouvoir se développer d’avantage (différences individuelles dans la capacité à tirer profit pour un meilleur développement). La thérapie sera donc plus rapide et efficace sur ce type de profils.
La sensibilité différentielle (Differential susceptibility)
Michael et Belsky ont mis en évidence grâce à leurs recherches une « sensibilité avantageuse », c’est-à-dire que la sensibilité constitue un avantage selon l’impact de l’environnement sur la personne. La balance risques/bénéfices pourrait être lié à la plasticité qui rendrait plus adaptable mais aussi plus vulnérable aux environnements négatifs.
Les HSP seraient donc plus « malléables » dans un environnement positif, mais plus affectés dans un environnement négatif (facteur de risque dans les environnements toxiques). Il faut donc bien traiter les HSP !
Par ailleurs, le sujet de l’hypersensibilité a déjà été évoqué dans le domaine de l’autisme et du haut potentiel (HPI).
La neurologie et la psychologie moderne reconnaissent que les traits de personnalité, tels que la haute sensibilité, sont influencés par une combinaison complexe de facteurs biologiques, environnementaux et psychologiques. Par conséquent, bien que les études indiquent une base biologique potentielle pour la haute sensibilité, elles ne confirment pas de manière exhaustive que celle-ci est exclusivement ou principalement biologique.
Les recherches récentes sur la haute sensibilité (HSP) ont exploré divers aspects de cette caractéristique, apportant de nouvelles perspectives et confirmations sur la nature et les implications de la sensibilité élevée. Voici quelques études notables :
- Sensibilité Environnementale et Connexion à la Nature :
- Sensibilité Génétique et Avantages Psychologiques des Programmes Éducatifs pour les Couples :
- Pluess et al. ont découvert que les HSPs bénéficient plus que les autres de programmes de qualité en matière de relations de couple. Ils ont utilisé des méthodes génétiques pour identifier les HSPs, trouvant que plus le niveau de sensibilité est élevé, plus les effets de l’intervention sont forts sur la qualité de la relation.
- Sensibilité au Traitement Sensoriel et Résilience Culturelle chez les Adolescents Japonais :
- Sensibilité Environnementale et Ton Vagal Cardiaque chez les Enfants à Faible SES :
- Moscardino et al. ont étudié le lien entre la sensibilité environnementale, le tonus vagal cardiaque (mesure de la réponse au stress) et le bien-être chez les enfants de familles défavorisées. Les enfants HSCs avec un tonus vagal cardiaque élevé et un faible soutien familial montraient un bien-être supérieur à ceux qui n’étaient pas hautement sensibles dans le même environnement.
Ces études montrent que la haute sensibilité influence la façon dont les individus interagissent avec leur environnement, réagissent aux programmes éducatifs et aux interventions, et gèrent le stress et les relations. Ces recherches confirment l’importance de reconnaître et de soutenir les besoins uniques des personnes hautement sensibles.
Comment mesurer l’hypersensibilité
Il existe deux questionnaires ayant mesuré l’hypersensibilité :
- Le questionnaire d’Elaine ARON qui peut être critiqué sur certains points (pas d’item inversé, un excès de conséquences négatives, structure factorielle instable, items douteux, pas de normes) mais il a été aussi beaucoup validé et traduit dans de nombreuses langues.
- Le questionnaire de Nathalie Clobert et Nicolas Gauvritt en cours d’analyse : CASS Clobert Adult Sensitvity Scale.
Les facteurs étudiés dans le CASS
Les 4 grands domaines de la sensibilité environnementale :
- EMO (.88) : sensibilité et réactivité émotionnelle (vie émotionnelle, sensibilité et intensité dans le domaine relationnel, empathie)
- OVE (.74) : saturation (tendance à être débordé par les stimulations intenses)
- AES (.79) : sensibilité esthétique (sensibilité à l’art et la beauté)
- SUB (.65) : finesse (détection des stimuli subtils).
Le cerveau hautement sensible : une étude IRMf de la sensibilité du traitement sensoriel et de la réponse aux émotions des autres (Bianca P Acevedo, Elaine N. Aron, Arthur Aron, Matthew Donald Sangster, Nancy Collins, Lucy L Brown) – 2014
La théorie et la recherche suggèrent que la sensibilité au traitement sensoriel (SPS), présente chez environ 20 % des humains et plus de 100 autres espèces, est un trait associé à une plus grande sensibilité et réactivité à l’environnement et aux stimuli sociaux. Des études d’auto-évaluation ont montré que les individus ayant un SPS élevé sont fortement affectés par l’humeur des autres, mais aucune étude antérieure n’a examiné les systèmes neuronaux engagés en réponse aux émotions des autres.
Dans toutes les conditions, les scores HSP étaient associés à une activation cérébrale accrue des régions impliquées dans l’attention et la planification de l’action (dans l’aire cingulaire et prémotrice [PMA]). Pour les conditions photographiques heureuses et tristes, le SPS était associé à l’activation des régions cérébrales impliquées dans la conscience, l’intégration des informations sensorielles, l’empathie et la planification d’action (par exemple, cingulaire, insula, gyrus frontal inférieur [IFG], gyrus temporal moyen [MTG], et PMA).
Comme prévu, pour les images de partenaires et pour les photos de visages heureux, les scores HSP étaient associés à une activation plus forte des régions du cerveau impliquées dans la conscience, l’empathie et le traitement de soi-même. Ces résultats prouvent que la conscience et la réactivité sont des caractéristiques fondamentales du SPS et montrent comment le cerveau peut atténuer ces caractéristiques.
A lire également :
Au repos, les yeux ouverts, les HSP présentent une activité EEG plus élevée, suggérant une augmentation du traitement de l’information : Signatures neurophysiologiques de la sensibilité du traitement sensoriel
Thèse à l’Université de Lorraine (en partenariat avec INTERPSY – Laboratoire de psychologie) :
L’Hypersensibilité, un fonctionnement psychique et une pratique psychothérapique à définir.
par Estelle Barthelemy :
1. L’Hypersensibilité : Une Nouvelle clinique à définir : Dans notre société axée sur la productivité, l’hyperstimulation des sens et la recherche de rentabilité, l’hypersensibilité est souvent perçue comme une fragilité. De plus en plus de personnes consultent des psychologues cliniciens en raison de leur hypersensibilité, se décrivant comme hypersensibles ou cherchant de l’aide pour leurs enfants hypersensibles. Cependant, il y a encore peu de recherche scientifique sur le sujet.
2. Les Dimensions de l’hypersensibilité : L’hypersensibilité est définie en psychologie comme une sensibilité plus élevée que la moyenne, avec une réactivité extrême aux stimuli internes et externes. Les recherches montrent que les cerveaux des individus hypersensibles fonctionnent différemment dans certaines régions, mais ils ne sont pas structurellement différents. L’hypersensibilité touche les émotions, la sensorialité et la cognition.
3. Implications psychopathologiques : La thèse explore les implications psychopathologiques de l’hypersensibilité, telles que la dépression, l’anxiété, l’introversion et l’épuisement psychique. Il suggère que les caractéristiques innées des hypersensibles peuvent être exacerbées par l’environnement. » Le fonctionnement cérébral particulier des individus hyper implique une consommation importante de ressources. Il produit souvent des déséquilibres aux niveaux nerveux et hormonal. La fatigue chronique en est l’une des premières conséquences typiques. » Asseheim (2020). La neuropsychologue affirme que ces patients sont très souvent sujets à l’épuisement généralisé ou au burnout.
5. Approche psychodynamique-psychosomatique : La recherche vise à définir l’hypersensibilité en utilisant une approche psychodynamique-psychosomatique, en se concentrant sur les phénomènes psychiques conscients et inconscients spécifiques observés chez les hypersensibles. Elle explore également l’utilisation de tests projectifs et de médiations thérapeutiques pour mieux comprendre et traiter des troubles liés à l’hypersensibilité (autisme par exemple).
HPS vs HPI : tous surdoués ?
Les HPI et HSP sont deux catégories distinctes, mais qui peuvent parfois s’associer. En effet, les HSP (15% de la population) ne sont pas des HPI (2% de la population). Cependant certains HSP peuvent être des HPI. Il n’y a pas de lien entre les HSP et le QI.
On peut avoir l’impression que les HPI sont plus sensibles mais ce serait forcément un sensibilité qui est liée à leurs aptitudes individuelles : facultés cognitives, grande mémoire, capacité d’analyse, résolution de problèmes, etc.