Psychomotricité

L’eau, un espace de liberté et de soutien en psychomotricité : les bienfaits de la médiation aquatique auprès d’un public spécifique

En 2015, je rejoins le CAMSP d’Alès pour travailler, en équipe pluridisciplinaire, avec des enfants porteurs de handicap ou présentant des troubles du comportement, en utilisant un milieu particulier : l’eau.

Mon approche en psychomotricité aquatique

Les séances que je mène dans la piscine chauffée sont minutieusement panifiées pour répondre aux besoins spécifiques de chaque enfant.

La notion de besoin spécifique reconnaît l’importance d’une prise en charge individualisée et adaptée pour répondre aux exigences particulières des individus, favorisant ainsi leur développement, leur bien-être et leur intégration dans différents domaines de la vie.

Ces séances sont axées sur le développement sensoriel, moteur et l’autonomie.

L’eau, par ses propriétés uniques, offre un espace de liberté et de soutien, favorisant un développement holistique.

Le développement holistique vise à prendre en compte tous les aspects de l’individu (physique, émotionnel, social, et cognitif), pour favoriser une croissance équilibrée.

Le concept de développement holistique est influencé par plusieurs théoriciens du développement, notamment Erik Erikson.

Structure et routine des séances

Chaque séance est structurée pour offrir des repères rassurants et des routines, éléments cruciaux pour le développement psychomoteur de l’enfant.

Les activités, adaptées et ajustées à leurs capacités, stimulent leur sensorialité et motricité, tout en encourageant un accordage émotionnel et sensoriel.

Cette synchronisation entre l’enfant et son environnement est essentielle pour le développement global de l’enfant permettant également le lien entre la famille.

L’importance de la relation thérapeutique

La présence du psychomotricien, à la fois physique et psychique, est déterminante dans le soutien des compétences sensori-tonico-motrices et relationnelles des enfants.

La compétence sensori-tonico-motrice désigne la capacité d’une personne à intégrer et coordonner les sensations sensorielles avec le tonus musculaire et le mouvement.

Cela implique la perception (sensorielle), la réaction tonique (tonus musculaire) et la réponse motrice (mouvement) à l’environnement.

C’est André Bullinger qui a mis en lumière l’importance de l’intégration sensori-tonico-motrice dans le développement de l’enfant. Selon lui, le développement psychomoteur de l’enfant dépend de sa capacité à intégrer ses expériences sensorielles avec son tonus musculaire et ses capacités motrices.

Notre approche globale aide les parents à comprendre et à s’accorder aux besoins spécifiques de leur enfant.

Etudes de cas : Mila, Lou et Mathéo

Les exemples concrets ci-dessous illustrent l’impact de l’eau en tant que médiateur thérapeutique.

Le médiateur thérapeutique étant un élément ou un outil utilisé par le thérapeute pour faciliter la communication, l’interaction, et le processus thérapeutique avec le patient. Cela peut inclure des objets, des activités, des jeux, ou même des animaux. 

Mila, avec un retard de développement, trouve dans l’eau une liberté de mouvement. Lou, nécessitant des rituels stricts, bénéficie de la structure des séances aquatiques. Mathéo, avec des troubles comportementaux, découvre un espace ludique qui renforce sa confiance et son autonomie. En voici les détails…

L’eau permet la mise en place d’une bulle-parentale

Mila présentait des difficultés de développement depuis l’âge de 3 mois. Ses mouvements volontaires étaient parasités, son regard fuyant, et ses expressions faciales difficiles à interpréter.

En salle de motricité, il était difficile d’établir une relation ou de noter des progrès significatifs. La proposition d’essayer la médiation aquatique a marqué un tournant dans la prise en charge de Mila.

Les séances aquatiques ont révélé une nouvelle facette de Mila, âgée alors de 6 mois.

Dans l’eau, elle exprimait de la joie, se déplaçait seule, et alternait les mouvements de ses bras et jambes.

Cette interaction avec l’eau a non seulement stimulé son développement moteur et sensoriel mais a aussi permis d’instaurer un lien privilégié avec sa famille.

La progression de Mila dans l’eau a eu un impact profond sur toute sa famille.

La participation des parents et même de la grand-mère dans les séances a créé une « bulle parentale », renforçant les liens familiaux et offrant des moments de joie et de fierté partagée.

Il a été révélé plus tard que Mila avait subi un AVC à l’âge de 3 mois, avec des conséquences à long terme sur sa motricité et son langage.

Malgré cela, l’eau a permis à Mila d’explorer son corps et ses capacités de manière unique, lui offrant une forme d’autonomie et de joie qu’elle n’expérimentait pas sur la terre ferme

L’histoire de Mila démontre l’importance de l’eau comme médiateur thérapeutique en psychomotricité, en particulier pour les enfants présentant des retards de développement.

Elle met en lumière comment l’eau peut faciliter des expériences sensorielles et motrices enrichissantes, tout en créant un espace de connexion et de soutien pour la famille.

Cette étude de cas renforce l’idée que la médiation aquatique, bien que parfois confrontée à des défis, offre des possibilités de développement et d’épanouissement exceptionnels pour les enfants et leurs familles.

Parfois l’eau est synonyme de trop plein d’émotions…

Il est essentiel de reconnaître que l’eau peut également être un vecteur d’émotions intenses et parfois imprévisibles.

Cela est illustré par le cas de Lou, une fillette de 5 ans, qui présente des réactions émotionnelles complexes dans l’environnement aquatique.

Lou adorait l’eau, mais ne possédait pas une conscience du danger.

Elle avait besoin de rituels stricts pour entrer dans l’eau, témoignant de la structure nécessaire dans ces séances.

Ses réactions émotionnelles passaient rapidement de la joie à la colère, un changement qui ne trouvait pas toujours une explication évidente

Un jour, Lou semblait particulièrement fatiguée. Malgré cela, elle exprimait une impatience marquée pour entrer dans l’eau, niant les étapes de notre rituel.

Sa mère, présente, paraissait contrariée par les réactions de sa fille.

Lorsque Lou s’est agitée sur les marches de la piscine, son corps se convulsant, il est devenu évident que quelque chose n’allait pas.

Rapidement enveloppée dans une serviette et prise en charge, il est apparu que Lou traversait une crise, possiblement due à une combinaison de fatigue et un état grippal.

Suite à cet incident, le pédiatre-référent de la structure a interdit la médiation aquatique pour Lou.

Ce cas soulève des questions importantes sur la sécurité, la gestion des émotions, et la nécessité de surveiller étroitement les signes de détresse chez les enfants pendant les séances aquatiques.

Ce cas illustre que, bien que l’eau puisse être un médiateur thérapeutique puissant, elle peut également provoquer des réactions émotionnelles fortes et parfois incontrôlables.

La médiation aquatique en psychomotricité doit donc toujours être pratiquée avec une grande sensibilité, une vigilance accrue, et une préparation à intervenir en cas de besoin.

L’expérience avec Lou renforce la compréhension de la complexité de la médiation aquatique, un aspect crucial pour tout professionnel évoluant dans ce domaine.

Parfois l’eau permet la régulation des émotions… par le jeu

Il est crucial d’aborder la régulation des émotions chez les enfants, en particulier ceux présentant des troubles du comportement.

L’histoire de Mathéo, un jeune garçon de 4 ans, avec un pré-diagnostic d’autisme Asperger, fournit un excellent exemple de la manière dont l’eau peut faciliter cette régulation.

Mathéo avait des difficultés à gérer ses émotions et à interagir avec son environnement.

Les séances de psychomotricité aquatique ont été conçues pour lui permettre de s’approcher progressivement de l’eau, commençant par s’asseoir sur la première marche, puis en s’immergeant progressivement.

L’intérêt de Mathéo a été intégré dans les activités aquatiques. Les animaux jouets devenaient des médiateurs dans l’eau, aidant le garçon à se concentrer et à interagir.

Ces jeux l’aidaient à gérer ses émotions et à relever de nouveaux défis dans l’eau.

Au fil des séances, il a acquis la confiance nécessaire pour effectuer des exercices plus avancés, comme celui de grimper seul sur un tapis ou de faire l’étoile de mer seul au milieu de la piscine, tout en gardant un jouet animal sur le ventre.

Cette progression montre non seulement une amélioration de ses capacités motrices mais aussi une meilleure régulation de ses émotions.

Cette étude de cas illustre comment la médiation aquatique, associée à des éléments ludiques et adaptés aux intérêts de l’enfant, peut favoriser la régulation émotionnelle et le développement psychomoteur.

Elle renforce l’idée que l’eau peut être un environnement thérapeutique puissant, en particulier pour les enfants avec des troubles du comportement ou des difficultés de régulation émotionnelle.

L’approche individualisée, centrée sur les intérêts de l’enfant, est essentielle pour maximiser les bénéfices de la médiation aquatique.

Résultat observés

Au-delà du développement moteur et sensoriel, l’interaction avec l’eau renforce les liens affectifs et la communication non verbale entre les enfants, leurs familles et les thérapeutes.

L’eau, miroir des émotions

L’eau exige une adaptation constante de la part des thérapeutes, qui doivent rester attentifs aux signaux non verbaux des enfants, intervenant avec sensibilité et créativité.

Conclusion et perspectives

Ces expériences soulignent l’importance de l’eau comme médiateur thérapeutique en psychomotricité.

Elle offre un environnement unique pour un développement holistique des enfants, quel que soit leur parcours ou leurs défis.

En partageant ces expériences, mon objectif est d’inspirer mes collègues à explorer les bénéfices de la médiation aquatique. Je suis convaincue que ces pratiques enrichiront notre domaine et apporteront des bénéfices significatifs aux enfants que nous accompagnons.

L’exploration de l’eau comme médiation unique en psychomotricité ouvre des horizons nouveaux, permettant des avancées thérapeutiques innovantes et enrichissantes, tant pour les enfants que pour les professionnels qui les accompagnent au quotidien.

Quelques définitions pour compléter le propos : 

L’accordage, c’est comme accorder un instrument de musique, mais avec des émotions et des comportements. En psychomotricité, cela signifie ajuster ses actions et réactions pour être en harmonie avec les besoins et les émotions d’une autre personne.

L’approche globale, on parle aussi d’approche holistique. Pensez à assembler un puzzle complet. Cette approche considère toute la personne – son corps, son esprit, ses émotions et son environnement – plutôt que de se concentrer sur un seul aspect.

L’autonomie – Imaginez devenir le capitaine de votre propre navire. L’autonomie, c’est quand les enfants apprennent à faire les choses par eux-mêmes, comme s’habiller, choisir ce qu’ils aiment ou ne pas aimer, et prendre des décisions.

La compétence sensori-tonico-motrice – C’est la capacité de combiner les sensations, le tonus musculaire et le mouvement de manière coordonnée, comme danser au rythme de la musique

Le développement psychomoteur, c’est comme apprendre à danser avec son corps et son esprit. Il s’agit de la manière dont les enfants apprennent à bouger, à contrôler leur corps et à utiliser leur esprit en même temps, comme lorsqu’ils apprennent à marcher tout en pensant à où ils veulent aller.

Le développement sensoriel et moteur, c’est comme assembler un puzzle où chaque pièce est une compétence différente. Il s’agit de la manière dont les enfants grandissent et apprennent à utiliser leurs sens et leur corps ensemble pour faire des choses comme attraper une balle (qui demande de voir la balle et de bouger les mains pour la saisir).

Le médiateur thérapeutique est un élément ou un outil utilisé par le thérapeute pour faciliter la communication, l’interaction, et le processus thérapeutique avec le patient. Cela peut inclure des objets, des activités, des jeux, ou même des animaux. 

La motricité, c’est la capacité globale de bouger. La motricité englobe tout, depuis les petits mouvements comme écrire avec un crayon (motricité fine) jusqu’aux grands mouvements comme sauter (motricité globale).

La sensorialité, c’est l’expérience de vivre le monde à travers ses sens. Ce terme se rapporte à la façon dont on perçoit et interagit avec le monde via les sens

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